Les mots ont un sens, par Napakatbra
C'était un homme apprécié de tous, aimable et intelligent. Il arrivait à l'entrée de la foire locale pour y régler quelques affaires. Deux heures plus tard, il était lynché par la population, brûlé vif et même mangé. C'était le 16 août 1870, à Hautefaye, petit village paisible et sans histoire du Périgord. Nous sommes tous capables du pire...
Alain de Monéys - Mangez-le si vous voulez !
16 août 1870. Jour de foire à Hautefaye, petite bourgade périgourdine sans histoire. L'occasion pour Alain de Monéys, jeune aristocrate local, d'acheter une génisse pour une voisine indigente. Il a 28 ans. Affable et apprécié de tous, il vient tout juste d'être élu à l'unanimité premier conseiller municipal de sa commune. La guerre contre la Prusse est mal engagée, le Second Empire vit ses dernières heures. Une atmosphère pesante s'est abattue sur la France.
A peine arrivé à l'entrée de la foire, Alain de Monéys est pris à partie par un paysan. Son cousin Camille de Maillard aurait chauffé la foule, prétendant que l'armée française s'était repliée lors de la toute dernière bataille de Reischoffen. Pire, il aurait crié "Vive la République !" avant de prendre la fuite. De Monéys dément, connaissant parfaitement les tendances politiques de son cousin. Mais les paysans maintiennent leurs allégations et la situation s'envenime. La foule se fait menaçante. Le jeune homme est rapidement accusé d'être républicain. Et bientôt - insulte suprême - de supporter la Prusse ! Il n'en fallait pas plus pour déclencher une furie incontrôlable.
Ivres de vin, assoiffés de sang
De Monéys a beau crier "Vive l'Empereur !", les coups pleuvent. Tous s'en mêlent. L'autorité locale a déserté, laissant seuls le curé et le maire tenter de s'interposer. Ceux-ci arrivent à isoler la victime quelques instants dans une étable. Mais le répit est de courte durée. Quelques minutes plus tard, la foule revient à la charge et pendant deux heures, au coeur même de la foire, plusieurs centaines de villageois participent au pugilat. Frappé, brisé, lacéré, torturé, lynché à coups de gourdins, de fourches, de ferraille, il sera finalement brûlé vif sur la place publique. Le maire, de dépit, aurait alors lancé un sarcastique "Mangez-le si vous voulez !". Conseil suivi par quelques uns qui iront jusqu'à becqueter les graisses humaines suintant du bûcher.
Plusieurs centaines de personnes étaient présentes sur les lieux du supplice. Une foule de braves gens devenus fous, le temps d'une après-midi. Tous connaissaient Alain de Monéys. Tous l'estimaient. Tous le savaient innocent des accusations proférées contre lui. Mais tous ont participé au lynchage. La justice ne poursuivra qu'une vingtaine de meneurs, dont quatre seront condamnés à mort. Au lendemain de cette frénésie barbare, les participants, abasourdis, hébétés, n'avaient qu'une seule phrase à la bouche : "Pourquoi a-t-on fait ça ?". Ils n'ont jamais compris. En 1953, Noémie Lavaud mourut à Hautefaye à l'âge de 92 ans. Elle était le dernier témoin direct du drame. Il y a 56 ans...
Dans la littérature : "Mangez-le si vous voulez" de Jean Teulé et "Le village des cannibales" d'Alain Corbin
C'était un homme apprécié de tous, aimable et intelligent. Il arrivait à l'entrée de la foire locale pour y régler quelques affaires. Deux heures plus tard, il était lynché par la population, brûlé vif et même mangé. C'était le 16 août 1870, à Hautefaye, petit village paisible et sans histoire du Périgord. Nous sommes tous capables du pire...
Alain de Monéys - Mangez-le si vous voulez !
16 août 1870. Jour de foire à Hautefaye, petite bourgade périgourdine sans histoire. L'occasion pour Alain de Monéys, jeune aristocrate local, d'acheter une génisse pour une voisine indigente. Il a 28 ans. Affable et apprécié de tous, il vient tout juste d'être élu à l'unanimité premier conseiller municipal de sa commune. La guerre contre la Prusse est mal engagée, le Second Empire vit ses dernières heures. Une atmosphère pesante s'est abattue sur la France.
A peine arrivé à l'entrée de la foire, Alain de Monéys est pris à partie par un paysan. Son cousin Camille de Maillard aurait chauffé la foule, prétendant que l'armée française s'était repliée lors de la toute dernière bataille de Reischoffen. Pire, il aurait crié "Vive la République !" avant de prendre la fuite. De Monéys dément, connaissant parfaitement les tendances politiques de son cousin. Mais les paysans maintiennent leurs allégations et la situation s'envenime. La foule se fait menaçante. Le jeune homme est rapidement accusé d'être républicain. Et bientôt - insulte suprême - de supporter la Prusse ! Il n'en fallait pas plus pour déclencher une furie incontrôlable.
Ivres de vin, assoiffés de sang
De Monéys a beau crier "Vive l'Empereur !", les coups pleuvent. Tous s'en mêlent. L'autorité locale a déserté, laissant seuls le curé et le maire tenter de s'interposer. Ceux-ci arrivent à isoler la victime quelques instants dans une étable. Mais le répit est de courte durée. Quelques minutes plus tard, la foule revient à la charge et pendant deux heures, au coeur même de la foire, plusieurs centaines de villageois participent au pugilat. Frappé, brisé, lacéré, torturé, lynché à coups de gourdins, de fourches, de ferraille, il sera finalement brûlé vif sur la place publique. Le maire, de dépit, aurait alors lancé un sarcastique "Mangez-le si vous voulez !". Conseil suivi par quelques uns qui iront jusqu'à becqueter les graisses humaines suintant du bûcher.
Plusieurs centaines de personnes étaient présentes sur les lieux du supplice. Une foule de braves gens devenus fous, le temps d'une après-midi. Tous connaissaient Alain de Monéys. Tous l'estimaient. Tous le savaient innocent des accusations proférées contre lui. Mais tous ont participé au lynchage. La justice ne poursuivra qu'une vingtaine de meneurs, dont quatre seront condamnés à mort. Au lendemain de cette frénésie barbare, les participants, abasourdis, hébétés, n'avaient qu'une seule phrase à la bouche : "Pourquoi a-t-on fait ça ?". Ils n'ont jamais compris. En 1953, Noémie Lavaud mourut à Hautefaye à l'âge de 92 ans. Elle était le dernier témoin direct du drame. Il y a 56 ans...
Dans la littérature : "Mangez-le si vous voulez" de Jean Teulé et "Le village des cannibales" d'Alain Corbin