par [Grognard]_Jean-Charles I Jeu 17 Juil 2014 - 12:50
Aux archives militaires sont stockés un grand nombre de documents attenants au préparatifs d'invasion de la Russie. La plupart d'entre eux sont produits en 1811. Souvent des livres d'histoire allemands sur la Russie, des essais sur les gouvernements régionaux russes (oblast), et pas mal d'autres choses comme des récits de voyages (qui comme dans l'antiquité décrivent une suite de lieu à chercher pour se rendre d'un lieu à un autre; j'ai lu (et photographié) un récit de ce genre de Kovno à Moscou, assez dingue.) Le stock sur 1811 est assez impressionnant et je n'ai pas tout épluché. Mon idée c'est que ça manque largement de synthèse, mais que les informations sont souvent bien à jour (réforme militaires des cosaques entreprises récemment, etc.) Évidemment, on entend souvent parler de Poltava.
Des visions d'ensembles peuvent se trouver dans les différents rapports "mémoires militaires" envoyés par des français (militaire ou non) ayant servi dans les armées russes auparavant, ou ayant connu la Russie. Mais ces rapports datent bien plus des années 1798-99 avant le premier choc entre Souvorov et les Armées françaises en Italie (cela faisait très longtemps que les Français n'avaient pas combattu les Russes (Guerre de Succession de Pologne), et beaucoup en Europe les disaient alors invincibles). Ces rapports, bourrés de jugements quasi-raciaux (c'est l'époque des ethno-types) dressent un tableau parfois drôle, mais quand même parfois très réaliste des raisons qui font du soldat russe un combattant hors-norme (foi particulière, superstition, particularité de la conscription sous le servage, brutalité du service dans l'armée.) Les officiers sont bien entendus décrits comme incompétents (car servir dans l'armée n'est pour eux qu'un passage obligé), tandis que Souvorov, par son élan et la simplicité de sa pensée stratégique, semble parfaitement incarner l'esprit de cette armée.
(Un livre sur le sujet auquel j'ai un peu participé devrait sortir dans les 2 ans aux éditions du Service Historique de la Défense)
Je le répète, on trouve régulièrement dans ces fonds d'archives des histoires de la Russie, et notamment de la Grande Guerre du Nord.
Quoiqu'il en soit de toutes ces sources, il est difficile de savoir à quel degré elles ont bien été prises aux sérieux. Le gros de ces documents a-t-il été lu par l'état-major, Berthier, Napoléon ?
On sait que Napoléon avait pris des dispositions sur le ravitaillement, etc.
Probablement que la thèse de Cosak n'est pas mauvaise : Napoléon tel Charles XII, une fois goinfré de succès et convaincu de sa supériorité sur les Russes, a cru qu'il lui serait possible d’envahir la Russie. Dans cette sitution, ayant l'impression de tout connaître de l'adversaire, et en ayant lu un peu d'histoire, on pense avoir mis toutes les chances de son côté.
Je m'interroge sur l'incommunicabilité possible de certains concepts. Ils souvent écris dans les mémoires à quel point le tissu villageois (et a fortiori urbain) est disparate en Russie. Il est souvent répété que les distances sont immenses et les espaces sont des déserts (vide d'hommes et d'activités humaines). Même aujourd'hui, certaines (beaucoup je suppose) régions de la Russie sont restées ainsi. J'en avais entendu parler avant d'y aller. Je n'ai vraiment pris conscience du phénomène qu'en y allant. Je me demande s'il n'existe pas une sorte de barrière psychologique qui empêche la transmission d'un savoir par la parole et la lecture, à partir du moment où le receveur est incapable de penser un autre "monde" que celui auquel il est habitué. Alors certes on me rétorquera qu'il y a eu la Pologne de 1807, oui, mais la Pologne était déjà moins lointaine, et là-bas les populations étaient favorables à Napoléon.
Finalement, comme Cosak, je voudrais savoir pour ceux qui ont bien étudier la campagne d'Egypte, si des parallèles avec la Campagne de Russie peuvent être dressés. Il me semble bien que oui.