Les pièges de l'expédition d'Égypte
Est-il expédition plus absurde, plus extravagante que l'expédition d'Égypte de 1798 ? Les croisades s'expliquaient par la ferveur religieuse : libérer le tombeau du Christ assurer le salut dans l'au-delà. La conquête de l'Algérie tirera par la suite son origine d'un sursaut de fierté suscitée par l'affront-bien intimidé, il est vrai-et au consul de France par le dey d'Alger.
Mais l'expédition d'Égypte ? Attaquer un pays lointain avec lequel la France n'était pas en guerre et auquel elle ne déclara pas la guerre, en avançant le prétexte de combattre les Anglais qui n'étaient pas établis et de libérer de la domination des mamelouks des fellahs qui ne l'avaient pas demandé, et engager cette expédition dans des conditions telles que l'echec semblaient inéluctables, débarqués en Égypte au mois de juillet avec des équipements plus s'appropriaient à traverser les Alpes, tout accroît encore la stupéfaction.
Et pourtant, derrière ses extravagances dont le bilan fut parfois positif (le réveil du pays, l'égyptologie…) Se cachent des calculs politiques plus subtils qu'il n'y paraît.
En fait l'objectif proclamé est simple : faute de pouvoir débarquer en Angleterre ou en Irlande, la France décide d'occuper l’isthme de Suez pour couper l'une des routes de l'Inde vers l'Angleterre. Il s'agit ensuite de faire de l'Égypte une base utile pour la conquête de la source principale de la richesse anglaise, c'est Inde où Tippo-Sahib mène le combat contre l'envahisseur britannique.
De plus, l'Égypte pourrait constituer une colonie, comme l'avait expliqué un mémoire de Talleyrand, ministre des relations extérieures, présentée à l'institut le 3 juillet 1797. Cette colonie vaudrait toutes celles que la France avait perdues et assurerait le coton et la canne à sucre à sa métropole.
Enfin, c'était l'occasion de montrer une expédition scientifique dans la grande lignée des voyages d'exploration du XVIIIe siècle grâce à une commission des sciences et des arts qui devaient accompagner l'armée et former l'institut d'Égypte.
Pouvait-on penser sérieusement que l'on allait ébranler à court terme l'Angleterre ? Le commerce britannique avec l'Inde pouvait se trouver gêné mais nullement interrompu. Et envahir l'Égypte, province placée sous autorité toute nominale du sultan de Constantinople, ne pouvait que retourner contre la France l'empire ottoman dont, depuis le XVIe siècle, on avait cherché l'alliance contre l'Autriche. Certes Talleyrand aurait dû se rendre à Constantinople pour expliquer le sens de l'expédition (restaurer l'autorité du sultan sur les mamelouks) mais il s'en était bien gardé de temps sous prétexte officiel paraissait aussi peu crédible que celui de la libération des Fellahs également invoqués.
Le directoire prenait, en lançant cette expédition, des risques insensés. Alors que la guerre menacée de reprendre sur le continent, et se priver de ses meilleures troupes. Il embarquait son meilleur général, ces meilleurs soldats et ses plus grands savants (Monge, Berthollet…) Sur une Méditerranée et sillonnée Nelson et la flotte anglaise. À tout moment les navires français pouvaient être surpris écouler sans guère de possibilité de se défendre. Qu'y avait-il derrière cette expédition ? Une opération de politique intérieure. Le directoire espérait ainsi se débarrasser d'un général encombrant ; Bonaparte prenait ses distances pour mieux revenir et prendre le pouvoir, ce qui était encore difficile au printemps 1798, le directoire étant sorti renforcer du coup d'état du 18 fructidor où il avait écarté Pichegru et les royalistes.
On a beaucoup parlé du rêve oriental de Bonaparte. Il est vrai que Bonaparte avait lu avec passion est à noter l'histoire des Arabes de Marigny et les mémoires du baron de Tott sur les Turcs ; il est vrai aussi qu'il avait écrit une nouvelle orientale, le masque prophète ; et il est vrai enfin qu'il déclarait en confidence à un intime : « l'Europe est une taupinière ; il n'y a jamais eu de grands empires et de grande révolution qu'en Orient où vivent 600 millions d'hommes », ou encore : « les grands noms ne se font qu'en Orient ».
En réalité Bonaparte était trop réaliste, malgré les déclarations qu'on lui prête, pour songer à se tailler un empire oriental à la façon d'Alexandre. Trop d'obstacles, la langue, la religion et les intérêts des grandes puissances, s'opposaient à une telle ambition.
Que par la suite il est rêvé d'un partage avec la Russie de l'empire ottoman, ou dans l'immédiat d'une Égypte colonie française, c'est certain. Mais de rêve oriental point.
Pourquoi Bonaparte était-il en Égypte ? Pour conquérir la France. Il fallait gérer le prestige acquis pendant la brillante campagne d'Italie. Le débarquement en Angleterre étant impossible dans l'immédiat il est revenu sur le continent, il devait éviter de se faire oublier en éblouissant encore davantage. Or le consul de France au Caire, Magallon, insisté sur la facilité d'une conquête de l'Égypte, une fois l'obstacle maritime surmonté. La domination des mamelouks était en effet en voie d'écroulement.
Pourquoi pas l'Égypte ? Une telle expédition ne pouvait que frapper les imaginations, les ruines de Volney ayant mis ce pays à mode. Songeons aussi à la flûte enchantée de Mozart qui serait rebaptisée en France les mystères d'Isis. En donnant un aspect scientifique à la conquête, on s'assurait l'appui de l'institut et des idéologues, maître à penser de l'époque. Bonaparte n'appartenait-il pas lui-même à la section mécanique ?
Autre avantage : le jeune général prenait du champ. Il laissait le directoire se déconsidérer de coup d'état en coup d'état. Il reviendrait quand le fruit serait mûr et prêts à être cueilli. Les directeurs, Barras en tête, qui gouvernait la France, voyait d'un bon œil s'éloigner ce général encombrant : le poignard d'un fanatique, à l'ombre des palmiers, ou quelques crocodiles du Nil pourraient fort bien en débarrasser la république. Certes le directoire s'affaiblissait au moment où la guerre risquait de reprendre sur le continent, mais d'autres généraux, Bernadotte, Jourdan, Augereau, étaient très à prendre la relève et ceux-là étaient de vrais républicains.
Ainsi l'expédition d'Égypte dissimulait-elle derrière des prétextes scientifiques et la guerre contre l'Angleterre des calculs de politique intérieure. François bernois y, chef de l'atelier d'habillement de l'armée d'Orient, en était bien conscient : « je me suis informé, nota-t-il le 7 juillet 1798, de ce que notre gouvernement escompté en envoyant une armée s'établir dans les états du grand seigneur sans aucune déclaration de guerre ou motif à lui déclarer la guerre. Il suffit, m'a-t-on dit, d'avoir un peu de sagacité. Bonaparte, par son génie et par les victoires qu'il a remportées avec une armée devenue invincible, avec trop d'influence en France. Il était une gêne, pour ne pas dire un obstacle à ceux qui détiennent les rênes du pouvoir. Ces derniers, pour assurer leur autorité, ont cherché à se débarrasser d'un seul homme qui dit. Dans ces conditions il semblait en effet qu'une expédition trouvée explication dans la politique intérieure de la France. Je n'ai pas pu déceler d'autres conditions. »
Il semblait que Bonaparte ne pourrait même pas parvenir en Égypte, les Anglais étant maître de la Méditerranée. Et c'est à ce moment que se place l'un des miracles les plus étonnants de la carrière de Napoléon.
Il ne devrait pas pouvoir quitter Toulon malgré le secret qui a entouré l'expédition. Celle-ci sort pourtant du port, le 19 mai 1798, avec un premier convoi de 150 voiles.
Nelson n'a pas pu intervenir. Une tempête a abattu toute la voilure avant du Vanguard, le vaisseau amiral. Celui-ci doit être remorqué aux îles San Pietro pour y être réparé. L'accident du Vanguard est exceptionnel et fait perdre 10 jours. Lorsque Nelson revient au large de Toulon, la rade est vide.
Nelson ignore la direction de la flotte de Bonaparte. Il va chercher les navires français en Corse, à l’ile d'Elbe, sur la côte ligure puis à Naples. Ce n'est que le 22 juin que Nelson devinait la destination de la flotte française par des renseignements recueillis auprès d'autres navires. Ce ne sont pas les Antilles, ni même Constantinople, mais Alexandrie.
Il se lance aussitôt à la poursuite de l'escadre française. Mais il n'est éclairé que par un brick ?. C'est l'autre chance de Bonaparte. Et lorsqu'il arrive à Alexandrie, il ne trouve pas les Français qui, plus lent en raison du chargement excessif des navires, ne débarqueront que trois jours plus tard. Nelson, croyant s'être trompé en pensant que les Français vont attaquer Constantinople, file vers le Liban. Il cherchera Bonaparte pendant deux mois, les enfoncer le temps de remporter la victoire des pyramides et de s'emparer du Caire.
Revenant en Égypte, Nelson détruit facilement la flotte française à Aboukir, le 2 avril 1788. Bonaparte ou se trouve prisonnier de sa conquête. Qu'importe. Il tente de remonter par la voie de terre vers Constantinople où il pense trouver des navires. Mais il est arrêté devant Saint-Jean-d'Acre. C’est Phélippeaux, l'ancien rival de Brienne, qui défend la vie. Nouveau signe du destin ? Bonaparte redescend vers le Caire.
Le temps travaille pour lui. Ces victoires (les pyramides, Nazareth…) Font rêver. La Martina raconte comment les colporteurs vendent les images de la campagne : « voilà la bataille des pyramides, en Égypte, gagné par le général Bonaparte ! C'est ce petit homme maigre et noir, que vous voyez là, monté sur un grand cheval jaune comme l’or, qui caracole, avec un long sabre à la main devant ses tas de pierres taillées qu'on appelle des pyramides, et qui dit à ses soldats : « de là-haut 40 siècles vous contemplent » ».
La guerre a repris sur le continent et tourne mal : l'Italie est perdue, c'est Italie ou Bonaparte s'était illustré et où il avait organisé la république cisalpine. L'autorité du directoire s'effondre de coup d'état en coup d'état. Bonaparte a vu juste. Un an a suffi. L'heure du retour a sonné.
Mais comment rentrer ? Quelques navires ont échappé au désastre d'Aboukir. C'est sur ce même lieu que Bonaparte écrase un débarquement turc, jolie façon de partir sur une victoire. Il lui reste la frégate Muiron. L'Anglais Sydney Smith qui surveille Alexandrie est parti faire de l'eau à Chypre. Le moment est opportun. Le 23 août 1799, vers 8:00 du matin, la Muiron dévoile pour la France. Bonaparte à laisser le commandement de son armée à Kléber.
Rien n'est encore joué. Il faut échapper aux navires anglais qui sillonnent la Méditerranée, sans parler des tempêtes. La traversée se passe bien. Jamais, malgré l'échec final de l'expédition d'Égypte, on aura autant parlé de « l'étoile » de Bonaparte.
Est-il expédition plus absurde, plus extravagante que l'expédition d'Égypte de 1798 ? Les croisades s'expliquaient par la ferveur religieuse : libérer le tombeau du Christ assurer le salut dans l'au-delà. La conquête de l'Algérie tirera par la suite son origine d'un sursaut de fierté suscitée par l'affront-bien intimidé, il est vrai-et au consul de France par le dey d'Alger.
Mais l'expédition d'Égypte ? Attaquer un pays lointain avec lequel la France n'était pas en guerre et auquel elle ne déclara pas la guerre, en avançant le prétexte de combattre les Anglais qui n'étaient pas établis et de libérer de la domination des mamelouks des fellahs qui ne l'avaient pas demandé, et engager cette expédition dans des conditions telles que l'echec semblaient inéluctables, débarqués en Égypte au mois de juillet avec des équipements plus s'appropriaient à traverser les Alpes, tout accroît encore la stupéfaction.
Et pourtant, derrière ses extravagances dont le bilan fut parfois positif (le réveil du pays, l'égyptologie…) Se cachent des calculs politiques plus subtils qu'il n'y paraît.
En fait l'objectif proclamé est simple : faute de pouvoir débarquer en Angleterre ou en Irlande, la France décide d'occuper l’isthme de Suez pour couper l'une des routes de l'Inde vers l'Angleterre. Il s'agit ensuite de faire de l'Égypte une base utile pour la conquête de la source principale de la richesse anglaise, c'est Inde où Tippo-Sahib mène le combat contre l'envahisseur britannique.
De plus, l'Égypte pourrait constituer une colonie, comme l'avait expliqué un mémoire de Talleyrand, ministre des relations extérieures, présentée à l'institut le 3 juillet 1797. Cette colonie vaudrait toutes celles que la France avait perdues et assurerait le coton et la canne à sucre à sa métropole.
Enfin, c'était l'occasion de montrer une expédition scientifique dans la grande lignée des voyages d'exploration du XVIIIe siècle grâce à une commission des sciences et des arts qui devaient accompagner l'armée et former l'institut d'Égypte.
Pouvait-on penser sérieusement que l'on allait ébranler à court terme l'Angleterre ? Le commerce britannique avec l'Inde pouvait se trouver gêné mais nullement interrompu. Et envahir l'Égypte, province placée sous autorité toute nominale du sultan de Constantinople, ne pouvait que retourner contre la France l'empire ottoman dont, depuis le XVIe siècle, on avait cherché l'alliance contre l'Autriche. Certes Talleyrand aurait dû se rendre à Constantinople pour expliquer le sens de l'expédition (restaurer l'autorité du sultan sur les mamelouks) mais il s'en était bien gardé de temps sous prétexte officiel paraissait aussi peu crédible que celui de la libération des Fellahs également invoqués.
Le directoire prenait, en lançant cette expédition, des risques insensés. Alors que la guerre menacée de reprendre sur le continent, et se priver de ses meilleures troupes. Il embarquait son meilleur général, ces meilleurs soldats et ses plus grands savants (Monge, Berthollet…) Sur une Méditerranée et sillonnée Nelson et la flotte anglaise. À tout moment les navires français pouvaient être surpris écouler sans guère de possibilité de se défendre. Qu'y avait-il derrière cette expédition ? Une opération de politique intérieure. Le directoire espérait ainsi se débarrasser d'un général encombrant ; Bonaparte prenait ses distances pour mieux revenir et prendre le pouvoir, ce qui était encore difficile au printemps 1798, le directoire étant sorti renforcer du coup d'état du 18 fructidor où il avait écarté Pichegru et les royalistes.
On a beaucoup parlé du rêve oriental de Bonaparte. Il est vrai que Bonaparte avait lu avec passion est à noter l'histoire des Arabes de Marigny et les mémoires du baron de Tott sur les Turcs ; il est vrai aussi qu'il avait écrit une nouvelle orientale, le masque prophète ; et il est vrai enfin qu'il déclarait en confidence à un intime : « l'Europe est une taupinière ; il n'y a jamais eu de grands empires et de grande révolution qu'en Orient où vivent 600 millions d'hommes », ou encore : « les grands noms ne se font qu'en Orient ».
En réalité Bonaparte était trop réaliste, malgré les déclarations qu'on lui prête, pour songer à se tailler un empire oriental à la façon d'Alexandre. Trop d'obstacles, la langue, la religion et les intérêts des grandes puissances, s'opposaient à une telle ambition.
Que par la suite il est rêvé d'un partage avec la Russie de l'empire ottoman, ou dans l'immédiat d'une Égypte colonie française, c'est certain. Mais de rêve oriental point.
Pourquoi Bonaparte était-il en Égypte ? Pour conquérir la France. Il fallait gérer le prestige acquis pendant la brillante campagne d'Italie. Le débarquement en Angleterre étant impossible dans l'immédiat il est revenu sur le continent, il devait éviter de se faire oublier en éblouissant encore davantage. Or le consul de France au Caire, Magallon, insisté sur la facilité d'une conquête de l'Égypte, une fois l'obstacle maritime surmonté. La domination des mamelouks était en effet en voie d'écroulement.
Pourquoi pas l'Égypte ? Une telle expédition ne pouvait que frapper les imaginations, les ruines de Volney ayant mis ce pays à mode. Songeons aussi à la flûte enchantée de Mozart qui serait rebaptisée en France les mystères d'Isis. En donnant un aspect scientifique à la conquête, on s'assurait l'appui de l'institut et des idéologues, maître à penser de l'époque. Bonaparte n'appartenait-il pas lui-même à la section mécanique ?
Autre avantage : le jeune général prenait du champ. Il laissait le directoire se déconsidérer de coup d'état en coup d'état. Il reviendrait quand le fruit serait mûr et prêts à être cueilli. Les directeurs, Barras en tête, qui gouvernait la France, voyait d'un bon œil s'éloigner ce général encombrant : le poignard d'un fanatique, à l'ombre des palmiers, ou quelques crocodiles du Nil pourraient fort bien en débarrasser la république. Certes le directoire s'affaiblissait au moment où la guerre risquait de reprendre sur le continent, mais d'autres généraux, Bernadotte, Jourdan, Augereau, étaient très à prendre la relève et ceux-là étaient de vrais républicains.
Ainsi l'expédition d'Égypte dissimulait-elle derrière des prétextes scientifiques et la guerre contre l'Angleterre des calculs de politique intérieure. François bernois y, chef de l'atelier d'habillement de l'armée d'Orient, en était bien conscient : « je me suis informé, nota-t-il le 7 juillet 1798, de ce que notre gouvernement escompté en envoyant une armée s'établir dans les états du grand seigneur sans aucune déclaration de guerre ou motif à lui déclarer la guerre. Il suffit, m'a-t-on dit, d'avoir un peu de sagacité. Bonaparte, par son génie et par les victoires qu'il a remportées avec une armée devenue invincible, avec trop d'influence en France. Il était une gêne, pour ne pas dire un obstacle à ceux qui détiennent les rênes du pouvoir. Ces derniers, pour assurer leur autorité, ont cherché à se débarrasser d'un seul homme qui dit. Dans ces conditions il semblait en effet qu'une expédition trouvée explication dans la politique intérieure de la France. Je n'ai pas pu déceler d'autres conditions. »
Il semblait que Bonaparte ne pourrait même pas parvenir en Égypte, les Anglais étant maître de la Méditerranée. Et c'est à ce moment que se place l'un des miracles les plus étonnants de la carrière de Napoléon.
Il ne devrait pas pouvoir quitter Toulon malgré le secret qui a entouré l'expédition. Celle-ci sort pourtant du port, le 19 mai 1798, avec un premier convoi de 150 voiles.
Nelson n'a pas pu intervenir. Une tempête a abattu toute la voilure avant du Vanguard, le vaisseau amiral. Celui-ci doit être remorqué aux îles San Pietro pour y être réparé. L'accident du Vanguard est exceptionnel et fait perdre 10 jours. Lorsque Nelson revient au large de Toulon, la rade est vide.
Nelson ignore la direction de la flotte de Bonaparte. Il va chercher les navires français en Corse, à l’ile d'Elbe, sur la côte ligure puis à Naples. Ce n'est que le 22 juin que Nelson devinait la destination de la flotte française par des renseignements recueillis auprès d'autres navires. Ce ne sont pas les Antilles, ni même Constantinople, mais Alexandrie.
Il se lance aussitôt à la poursuite de l'escadre française. Mais il n'est éclairé que par un brick ?. C'est l'autre chance de Bonaparte. Et lorsqu'il arrive à Alexandrie, il ne trouve pas les Français qui, plus lent en raison du chargement excessif des navires, ne débarqueront que trois jours plus tard. Nelson, croyant s'être trompé en pensant que les Français vont attaquer Constantinople, file vers le Liban. Il cherchera Bonaparte pendant deux mois, les enfoncer le temps de remporter la victoire des pyramides et de s'emparer du Caire.
Revenant en Égypte, Nelson détruit facilement la flotte française à Aboukir, le 2 avril 1788. Bonaparte ou se trouve prisonnier de sa conquête. Qu'importe. Il tente de remonter par la voie de terre vers Constantinople où il pense trouver des navires. Mais il est arrêté devant Saint-Jean-d'Acre. C’est Phélippeaux, l'ancien rival de Brienne, qui défend la vie. Nouveau signe du destin ? Bonaparte redescend vers le Caire.
Le temps travaille pour lui. Ces victoires (les pyramides, Nazareth…) Font rêver. La Martina raconte comment les colporteurs vendent les images de la campagne : « voilà la bataille des pyramides, en Égypte, gagné par le général Bonaparte ! C'est ce petit homme maigre et noir, que vous voyez là, monté sur un grand cheval jaune comme l’or, qui caracole, avec un long sabre à la main devant ses tas de pierres taillées qu'on appelle des pyramides, et qui dit à ses soldats : « de là-haut 40 siècles vous contemplent » ».
La guerre a repris sur le continent et tourne mal : l'Italie est perdue, c'est Italie ou Bonaparte s'était illustré et où il avait organisé la république cisalpine. L'autorité du directoire s'effondre de coup d'état en coup d'état. Bonaparte a vu juste. Un an a suffi. L'heure du retour a sonné.
Mais comment rentrer ? Quelques navires ont échappé au désastre d'Aboukir. C'est sur ce même lieu que Bonaparte écrase un débarquement turc, jolie façon de partir sur une victoire. Il lui reste la frégate Muiron. L'Anglais Sydney Smith qui surveille Alexandrie est parti faire de l'eau à Chypre. Le moment est opportun. Le 23 août 1799, vers 8:00 du matin, la Muiron dévoile pour la France. Bonaparte à laisser le commandement de son armée à Kléber.
Rien n'est encore joué. Il faut échapper aux navires anglais qui sillonnent la Méditerranée, sans parler des tempêtes. La traversée se passe bien. Jamais, malgré l'échec final de l'expédition d'Égypte, on aura autant parlé de « l'étoile » de Bonaparte.