Bravo Valve! Voilà une entreprise qui fait preuve d'audace! Où comment maquiller une avidité dévorante sous couvert d'un noble dessein.
Ce changement de paradigme a au moins le mérite de pointer (une fois de plus) les limites du droit d'auteur; La part disproportionnée de l'éditeur par rapport à l'auteur. Dans un schéma classique, mettons le Livre, elle se justifie par la lourde infrastructure de fabrication, distribution, et promotion de l'oeuvre.
Steam se contente de fournir des serveurs içi.
Un éditeur est également censé fournir un contrôle qualité, ce ne sera pas le cas vu la poubelle qu'est devenu steam depuis l'inondation d'early access et jeux greenlightés qui ne seront jamais terminés.
A mon avis c'est également une manière de réaffirmer un monopole mis en danger par des éditeurs qui peuvent se passer de steam, (origin par exemple, plateforme qui respecte le droit de rétractation du consommateur) et l'aboutissement de "l'économie des chapeaux", i.e vendre des objets créer par la communauté et se gaver via commissions motherfucker (Matthew McConaughey approves). Bref l'exploitation du producteur par le capital.
En plus de menaçer des communautés de modding tel le TWC ou Nexus voici une synthèse des problèmes immédiats que cela pose:
Un moddeur a écrit:Bon, après le coup de sang, le sujet mérite de s'y arrêter car il soulève de nombreux problèmes.
Le sujet est d'ailleurs débattu ici et là, dans divers forums, je vais donc essayer de résumer.
Tout d'abord, l'idée n'est pas neuve, je l'ai déjà entendu en d'autres lieux il y a quelques temps déjà.
Le principe reste toujours le même : comment augmenter le chiffre d'affaire à moindre frais.
Les problèmes liés à la mise en place d'un système de mods payants, même partiel et limité à la volonté du moddeur ou de l'équipe qui l'a créé sont, à mon sens, les suivants :
Le droit d'auteur : copyright, propriété intellectuelle et consort
Moddeur vs Moddeur :
Cette problématique rejoint la manière dont fonctionne la "communauté du modding".
Il est fréquent qu'un mod utilise des éléments d'un autre mod, en général avec la permission de son créateur moyennant citation.
Je dis bien "en général" car les cas de réutilisations intempestives et de gueguerres entre moddeurs ne sont pas des légendes et je garde le souvenir d'une ou deux disputes sur TWC.
Tant qu'il n'y a pas d'argent en jeu, seul l'amour propre est blessé, mais avec un profit financier en jeu, ça risque de se compliquer.
Ensuite, même dans le cas, le plus fréquent, où il y a accord, se greffe alors deux problèmes dans le cadre de mods devenant payants :
la rémunération de l'auteur de l'élément tiers ;
le fait que les mods entrent en concurrence avec, cette fois, un enjeu financier à la clef ;
Le risque est important de voir surgir régulièrement des conflits portants sur une utilisation abusive de contenus produit par un autre moddeur.
D'autre part, les modding étant un loisir (hobby), pas une profession, les moddeurs vont et viennent et finissent même par disparaître.
Que faire lorsque le moddeur propriétaire du contenu que l'on veut utiliser n'est plus joignable ?
Enfin, si la propriété intellectuelle peut être clairement établie dans le cadre d'une entreprise (et encore, mais il y a transfert de droit d'auteurs ce qui simplifie nettement la problématique), c'est beaucoup moins le cas dans le cadre du modding où on utilise souvent une base qui est ensuite modifiée. Il est alors impossible de retrouver tous les "ayant-droits".
Ainsi, je connais bien peu de modèles 3d dans les mods pour ETW qui sont des création 100% "from scratch".
Moddeur vs Corporate Power :
Le périmètre de la propriété intellectuelle est vaste et complexe.
Ainsi, de nombreux éléments utilisés par un mod peuvent être en fait soumis à copyright et licence d'utilisation : fontes (caractères d'écritures), images, modèles, textures, pistes audio voire même sujet du mod.
Un mod comme TATW est très clairement dans ce cas. Étant basé sur l’œuvre de Tolkien, il devrait obtenir une licence auprès de the Middle-Earth Enterprise, propriétaire de la majeure partie des droits d'auteurs de Tolkien.
Sans compter les unités, basées sur celle du film...
Tant que les mods restent une activité à but non lucratif, certains écarts sont tolérés.
Mais si les mods deviennent une activité potentiellement lucrative, selon que leur(s) créateur(s) les rendent payants ou non, le contexte change du tout au tout.
Les ayant-droits chercheront aussi à avoir leur part du gâteau.
Et même si les créateurs du mod veulent que ce dernier soit gratuit, il est tout à fait possible pour des ayant-droits d'imposer que ce dernier soit payant pour être rémunéré.
Les moddeurs risquent de passer plus de temps à négocier avec les avocats des ayant-droits ou à répondre au juge sur le banc des prévenus dans les tribunaux qu'à travailler à leurs créations.
Et il vaut mieux ne pas compter sur le support juridique de Valve, comme le montre le premier cas de mod payant retiré de Steam Workshop
Bref, le droit d'auteur est une boite de Pandore qu'il serait bon de ne pas ouvrir... à moins de réformer drastiquement le droit d'auteur qui est devenu une rente à vie, et même après la mort puisque les descendant en bénéficient (70 ans après la mort de l'auteur...).
Le support des mods à court, moyen et long terme :
développement du mod : alpha, beta, release et support
Je ne dévoile rien en écrivant que la création d'un mod peut prendre beaucoup de temps, voire, finalement, ne jamais voir le jour.
La raison en est que le modding n'est pas une activité professionnelle, encadrée juridiquement, mais un loisir, n'en déplaise aux vautours cupides.
D'autre part, il s'agit d'un travail souvent communautaire, donc fondé essentiellement sur le bon vouloir de chacun.
Il en résulte qu'un moddeur peut être rappelé, plus ou moins brutalement aux lois de la réalité (la "vrai vie"), et que les teams de développement ne sont pas stables.
Il suffit qu'un participant clef s'en aille pour qu'un un mod s'arrête ou soit considérablement ralenti.
De plus, les mods, comme tout système informatique, sont sujets aux bugs, bugs plus ou moins graves qui apparaissent à des niveaux plus ou moins avancés de la partie.
Or, avec des ressources de développement volatiles (la team ou le moddeur), comment assurer le support d'un mod ?
Le fait que le mod soit payant devrait impliquer une responsabilité envers le joueur devenu consommateur.
Dans le cas présent, comment ne serait-ce qu'appliquer la loi, dans un cadre international, à des structures qui n'ont pas d'existence légale (team de développement).
C'est une porte ouverte à tous les abus et toutes les dérives.
incompatibilités entre mods :
Il arrive régulièrement que des mods soient incompatibles entre eux car ils font appels simultanément aux mêmes ressources que chacun a modifié.
Comment s'assurer, pour le "client" que le mod qu'il s’apprête à acquérir est compatible avec ceux qu'il utilise déjà ?
L'incompatibilité pouvant apparaître après le délais de rétractation, serait-ce considéré comme un vice caché ?
Et comment faire respecter la loi nationale dans un environnement international ?
Je doute que le commun des mortels passe sont temps à porter plainte, sans compter le temps et les tracas administratif, la "justice" a un coût...
conséquence des patch correctif du jeu de base :
Même en admettant qu'un mod soit exempt de bugs et autres incompatibilités à sa publication, les jeux vidéo étant rarement exempts de défaut, ils font l'objet de patchs correctifs réguliers (voir Rome 2, sans vouloir remuer la hallebarde dans la plaie...).
Hors, ces patchs de mise à jour peuvent rendre un mod inopérant car il arrive qu'ils modifient les fichiers que le mod cible.
Quelle est la garantie que les auteurs des mods affectés mettront les mettront à jour, d'autant plus qu'il n'est pas rare qu'une team se désagrège une fois la version finale du mod publiée.
Et l'enjeu financier ne pourra que pousser une team ou un moddeur vers un nouveau projet une fois le précédent terminé, plutôt que d'en assurer le support.
Bref, là encore, il y a un énorme problème réglementaire, qu'elle loi s'appliquera ?
D'autant plus que Valve se base sur un modèle anglo-saxon, basé sur le contrat, alors qu'en France nous nous basons sur la loi.
Argent vs Travail Collaboratif : effets possibles sur la "Modding Community
Comme écrit précédemment, le modding est basé, actuellement, sur un modèle communautaire.
C'est à dire que le moteur principal pour le moddeur est l'intérêt pour un sujet, et que les choix sont volontaires et non forcés dans le cadre d'un contrat de travail contre rémunération.
Le modèle communautaire repose sur le travail collaboratif, et collaboratif est le mot clef.
Cela implique un échange d'information, d'idées, de documents ou d'éléments au plus grand bénéfice de l'ensemble.
L'introduction d'un enjeu financier change la donne et introduit un élément de compétition ou plus exactement de concurrence.
Comme je ne me fais pas d'illusion sur la nature humaine et sur l'appât du gain, j'imagine qu'au lieu de coopérer, le risque est grand que les moddeurs se voient comme des concurrents potentiels et gardent pour eux leur savoir faire, leurs idées et leurs petits secrets.
Continueront-ils à s'entraider, à créer des tutoriaux, à partager des idées, des astuces ?
Et même pour ceux qui resteront fermes sur les principes communautaires, comment accepter de voir son travail utilisé dans des projets qui vont à l'encontre de ses principes ?
Enfin, même si les éditeurs fournissent des pack d'outils pour le modding, comme les Assembly Kits, ces derniers sont loin d'être complets ou efficaces.
Il n'est donc pas rare de voir des outils créés par des moddeurs supplanter ceux fournis pas l'éditeur (comme PFM).
Les outils seront-ils eux-aussi considérés comme des mods et pourront-ils devenir payant ?
Et si l'outil reste gratuit, sera-t-il possible d'imposer que les contenus créés à partir de ce dernier le soit aussi ? Et comment le vérifier ?
Bref, introduire l'argent dans le modding, c'est changer entièrement la manière dont le modding fonctionne.
Il s'agit de passer d'un monde communautaire, dans lequel le modding est un loisir et dont la motivation est l'intérêt pour le sujet, pour le jeu, à un système pro ou semi-pro dans lequel les moddeurs et les mods sont des concurrents potentiels par rapport aux "parts de marché".
Le partage des bénéfices :
Moddeur vs Valve & Game Companies :
Le partage selon Valve ressemble à une pure escroquerie : 25% pour la force de travail (les moddeurs), 75% pour le capital (les parasites).
C'est tout simplement une forme de servage volontaire.
Tout au plus, Valve fournit une structure de téléchargement et, éventuellement, de mise en valeur de l'offre (marketing quoi...).
Quand à l'éditeur, les mods nécessitant le jeu pour pouvoir fonctionner, il à déjà vendu son jeu.
Rien, hormis l'appât du gain, ne justifie une telle disproportion.
D'autre part, la méthode de Valve, ne commençant à verser l'argent aux moddeurs qu'à partir d'un certain montant (a priori à partir du moment ou le mod totalise 400$ d'achats), c'est le beurre, l'argent du beurre, la crémière et même les vaches...
Nombreux seront les pigeons moddeurs qui, croyant se faire un petit revenu, n'en verront jamais la couleur au plus grand profit de Valve et de l'éditeur.
C'est, a minima, un marché de dupe dans lequel la majorité des moddeurs ne gagneront que des cacahouètes et des ennuis (droit d'auteur, piratage, etc.) et y perdront leur réputation et le soutient d'une communauté de pair.
Personnellement, je préfère parler d'escroquerie voire d'abus de faiblesse car pour approuver ça il faut avoir du yaourt à la place du cerveau.
Teams :
La plupart des "gros" mods sont l'oeuvre, non d'un unique moddeur, mais d'une team.
En temps normal, il faut déjà gérer les égos, mais avec l'introduction d'un enjeu financier, il faudra aussi gérer la répartition des profits.
Comme, pour simplifier la chose, les teams évoluent dans le temps, je souhaite bon courage aux "team leaders".
Contrairement au monde de l'entreprise où le salarié reçoit un... salaire en échange de son travail, ce n'est pas le cas dans le cadre des recettes d'un mod payants.
Ces recettes interviennent après publication du mod, et donc après une phase plus ou moins longue de développement pendant laquelle l'équipe peut avoir fluctué.
Cela complexifie encore la répartition des recettes.
Utilisation de contenus tiers :
Les mods utilisent souvent des contenus venant, soit d'autres mods, soit d'auteurs tiers.
Tant que le modding est une activité non lucrative, il est possible d'échanger des contenus entre mods (avec l'accord de leurs auteurs, mais sans concurrence sur un enjeux financier), ou d'utiliser des contenus sous licences "libres" (autorisant une utilisation non lucrative) ou de solliciter l'autorisation de contenus sous copyright (comme cela a pu être le cas avec Two Step from Hell (audio) ou M&B).
Lorsque le modding devient une activité lucrative, le contexte change et il faut prendre en compte le fait que ces contenus, autrefois "gratuits", peuvent devenir eux-aussi payants (licence d’utilisation, royalties, une part sue les recettes, etc.).
Bref, faire entrer un enjeux financier dans le modding pose de nombreux problèmes, dont certains, et pas des moindres, d'ordre légaux.
D'autre part, cela ne garanti aucunement une meilleur qualité ou professionnalisme dans le développement et le support des mods et cela réduira vraisemblablement les sujets (terminé les mods dans l'univers du Seigneur des Anneaux, de Game of Throne, etc.).
Enfin, le système proposé est plus proche de l'escroquerie que du système gagnant-gagnant en terme de répartition des gains.
Le plus grave, enfin, c'est qu'il suffit qu'une seule société, Valve, commence à mettre un tel système en place pour que le modding vacille.
C'est en grande partie dû à la position centrale de Valve dans la distribution de jeux vidéos via Steam, situation monopolistique aggravée par les contrats d'exclusivité dans la diffusion de certains jeux.
D'autre part, cette société de droit anglo-saxon, du fait de son poids, se permet d'imposer des règles du jeux sans tenir compte de la législation ou profitant de zones grises.
Une solution plus "simple" et probablement plus efficace" aurait pu être :
de confirmer le modding comme activité exclusivement non lucrative ;
de donner une forme juridique d'éditeur indépendant aux équipes de moddeurs qui veulent développer un contenus dérivé payant (assimilable à un DLC ou une Extension) :
l'ojectif principal est de donner un statut juridique qui impose de se déclarer comme une société (personne morale) et d'être soumis aux lois et règlements sur le commerce et la protection de la propriété intellectuelle ;
contrat liant l'éditeur du jeux et l'équipe de "moddeurs" sur un système simplifier et moins onéreux qu'une licence d'utilisation du moteur de jeu qui offrirait une plus grande ouverture sur les données pour les moddeurs sous le contrôle de l'éditeur ;
Je le redis, ce n'est pas la première fois où l'idée d'un modding payant vient sur le tapis.
Mais c'est la première fois que le pas est franchi, Valve a décidé de franchir le Rubicon ou, c'est selon, à ouvrir la boite de Pandore.
Je ne sais pas quelles actions peuvent être menées contre cette société, mais les éditeurs ne sont pas tout blanc non plus...
Il est très probable que le modding tel que nous l'avons connu disparaisse à cause d'une bande de porcs cupides déjà gavés de fric.