La librairie historique Clavreuil - Paris

A droite de la Fontaine Saint-Michel, à Paris, la petite rue Saint-André-des-Arts, est, à la fois, étroite, vivante et pittoresque. On y trouve des tas de commerces inhabituels et, parmi eux, la librairie historique Clavreuil (http://www.clavreuil.fr/), qui a pris ce nom en 1937, mais qui existe à cet endroit depuis 1878 : l’atmosphère sombre et silencieuse et les rangements en bois des bibliothèques à l’ancienne.



Jadis, la librairie était exclusivement consacrée à la période Empire. Fabrice Teissèdre, qui l’a rachetée en 2005, a élargi un peu la gamme : "Personnellement, à mes débuts, j’étais plus attiré par la période de la Révolution que par l’Empire. Mais le côté commercial n’est pas négligeable et il reste une forte demande de livres et de documents sur Napoléon, une vraie niche. Je fais la moitié de mon activité par correspondance, avec des clients partout dans le monde. Y compris en Russie et aux Etats-Unis. Mais pas en Chine ni au Japon. Pour eux, Napoléon est certainement un nom connu, mais il y a la barrière de la langue."

Les livres qu’il conseille à un débutant : "Jean Tulard a fait une parfaite synthèse, claire et complète. Il y a aussi, de Thierry Lentz, Le Grand Empire , qui est moins centré sur le personnage mais qui fait découvrir toute la période."

Un livre par jour depuis sa mort ?

Ces ouvrages-ci ne se trouvent pas dans ses rayons : "Ils sont trop modernes. La librairie s’adresse à un public qui a, au mois, une petite connaissance sur le sujet. Des clients peuvent s’intéresser à un maréchal en particulier. J’en ai un qui s’est spécialisé dans la Campagne d’Egypte. Un autre client, parisien, n’achète que ce qui concerne la Bataille de Waterloo."

Cette année du Bicentenaire, vingt et un livres ont été consacrés à Waterloo. "La légende dit que, depuis la mort de Napoléon, on a publié, sur lui, un livre par jour."

Encore aujourd’hui ? "Si on compte les livres britanniques et américains, cela me paraît de l’ordre du possible."

Dans ses tiroirs, à l’abri de la lumière, soigneusement rangés dans des fardes, Fabrice Teissèdre abrite de petits trésors : "Des manuscrits, des autographes. Le prix de l’autographe de Napoléon est très variable. Une lettre d’amour écrite à Joséphine atteint les 300 000 euros. Mais on n’en possède qu’une dizaine en tout et la plupart sont conservées dans les musées. Les lettres entièrement de sa main sont rares et donc beaucoup plus chères. Par contre, Napoléon passait ses journées à donner des instructions. Chaque instruction était suivie d’une lettre. Ce qui laisse une correspondance colossale. Mais, en réalité, il dictait ses lettres que des secrétaires écrivaient pour lui. Il se contentait de signer. Un paraphe !"

Entre le B et le N. "Une lettre écrite par un secrétaire et signée par lui peut se traiter, selon son intérêt, à partir de 1 000 ou 1 500 euros. Il faut se dire que c’est déjà ça. Les rois, Louis XIV ou Louis XV, dictaient leur courrier mais ne signaient même pas eux-mêmes : les secrétaires le faisaient pour eux. Des lettres écrites de leur main sont réellement très rares."

Il faut savoir aussi que , sur le marché du manuscrit, Napoléon et les rois ont moins de valeur que les écrivains ou les musiciens. "Une lettre de Mozart vaut certainement plus qu’un paraphe de Napoléon. Et certaines lettres signées par Baudelaire se négocient entre 120 000 et 150 000 euros."

Avec le temps, Fabrice Teissèdre s’est pris d’admiration : "Dans chacune des lettres, la personnalité de Napoléon ressort. Il connaissait de façon étonnante tous les sujets qui l’amenaient à donner des ordres. Que ce soit militaire, économique, il traitait tous les sujets de façon limpide. Et cette lucidité ! Il est certain qu’il n’a pas su arrêter les choses au bon moment. Mais sa lucidité, il l’a gardée jusqu’à la fin."