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En février dernier, l'Electronic Frontier Foundation a fait parvenir au bureau américain des brevets une requête afin d'autoriser la modification de jeux n'étant plus maintenus par leurs développeurs et éditeurs, ce pour rétablir certaines de leurs fonctionnalités. L'ESA, l'équivalent américain du SELL, s'y oppose formellement.
Ces dernières années, les éditeurs de jeux vidéo ont souvent pris la décision de fermer les serveurs dédiés au mode multijoueur de certains titres, lorsque cela n'était plus économiquement viable pour eux. Electronic Arts par exemple ne s'en cache pas et explique sur une page dédiée aux annonces de fermetures de services en ligne que dès lors qu'un titre représente moins de 1 % des joueurs présents sur ses serveurs, l'éditeur est susceptible d'affecter ses équipes ailleurs.
Problème, après quelques années, les joueurs qui eux ont toujours leur copie du jeu chez eux se retrouvent avec une version dégradée de leur titre, qu'ils ont parfois achetée à plein tarif et sans la possibilité de rétablir les fonctionnalités manquantes. En effet, le paragraphe 1201 du Digital Millenium Copyright Act (DMCA) prévoit que « personne ne doit circonvenir à une mesure technologique qui contrôle l'accès à une œuvre protégée à ce titre ». En d'autres termes, la loi américaine interdit toute action permettant de contourner un moyen de protection, et ce peu importe le but de la manœuvre.
L'EFF voudrait introduire des exceptions à la règle
En février dernier, l'Electronic Frontier Foundation a donc lancé un recours auprès du bureau américain des brevets (USPTO) afin d'assouplir la loi. La fondation souhaite que les utilisateurs puissent contourner les mesures de protection d'un jeu vidéo pour rétablir ses fonctionnalités en ligne, quand ses développeurs et son éditeur ne les assurent plus.
La proposition de l'EFF se limite toutefois au champ des titres ne nécessitant qu'un serveur d'authentification ou de « matchmaking » pour fonctionner. Les jeux avec des univers persistants ayant besoin d'une machinerie plus importante pour leur bon fonctionnement ne sont pas concernés par le recours de la fondation. Pas question donc de permettre à des joueurs de faire renaitre un MMORPG défunt. Par contre le texte doit leur permettre de relancer le mode multijoueur de titres comme Mario Kart Wii ou FIFA 10.
Selon l'EFF, cette retouche législative permettrait notamment aux musées spécialisés dans le jeu vidéo de pouvoir remettre en marche des titres faisant partie de l'histoire de ce medium et de les conserver dans un état aussi proche que possible du neuf. « Maintenir les jeux jouables est un problème fondamental pour la prochaine génération d'archivistes et de conservateurs dans le domaine du jeu vidéo ».
Mais surtout, cela éviterait « la destruction des investissements des joueurs ». En effet, selon l'EFF, certains éditeurs n'hésitent pas à couper les serveurs dédiés aux fonctionnalités en ligne de leurs jeux après des périodes d'exploitation très courtes. Le cas de Madden 09 est par exemple invoqué, EA ayant desactivé ses modes en ligne après moins de 18 mois. Les jeux de sport seraient particulièrement touchés, en raison de leur rythme de sortie annuel faisant migrer les joueurs d'un opus à un autre assez rapidement. Ils ne sont toutefois pas les seuls puisqu'en 2014, plus de 150 titres (aussi bien sur PC que sur consoles et mobiles) ont été concernés par une fermeture définitive de leurs services en ligne.
L'Entertainment Software Association (ESA), le syndicat américain des éditeurs et développeurs de jeux vidéo, a fait parvenir une lettre à l'USPTO en guise de réponse aux propositions de l'EFF. Sans surprise, l'industrie n'est pas vraiment favorable à un tel assouplissement.
« Ils y disent que modifier des jeux pour leur permettre de se connecter à un nouveau serveur, ou leur éviter de se connecter à un serveur après la fin de leur support – permettant ainsi aux joueurs de continuer à profiter des jeux qu'ils ont achetés – détruirait l'industrie vidéoludique. Ils disent aussi que cela "fragiliserait les principes fondamentaux de la propriété intellectuelle sur lesquelles nos lois sont basées" », rapporte la fondation qui n'a pas rendue publique la lettre de réponse . Un argument que chacun appréciera à sa juste valeur.
Si aux États-Unis la question n'a pas encore été tranchée, le droit français prévoit déjà quant à lui de telles exceptions. L'alinéa 8 de l'article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle explique que « Lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire la reproduction d'une œuvre et sa représentation effectuées à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de sa consultation à des fins de recherche ou d'études privées par des particuliers, dans les locaux de l'établissement et sur des terminaux dédiés par des bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d'archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial ». Pas de problème donc pour les musées hexagonaux, qui peuvent travailler comme ils le souhaitent