Pour The Creative Assembly, l'excellentissime Total War : Shogun 2 était l'occasion de célébrer l'anniversaire d'une série historique et d'accomplir le jeu auquel ils rêvaient à l'origine. Maintenant qu'ils se sont fait plaisir, les développeurs britanniques passent à une autre étape : contenter leurs fans en offrant une suite à l'épisode favori de la communauté, Rome : Total War. Il n'en fallait pas beaucoup plus pour nous donner une raison d'aller leur rendre visite dans leurs locaux à Horsham, Royaume-Uni, histoire de jeter une paire d'yeux ébahis à Total War : Rome II.
Tous les chemins y mènent
Passés maîtres du gameplay tortueux et étroit avec les batailles épiques sur l'archipel de Total War : Shogun 2, les développeurs de The Creative Assembly retourneront à des ambitions de largesse et d'expansion assez logique avec Total War : Rome II. Cette suite à l'épisode favori de la communauté nous invitera dans une Europe encore bien plus grande qu'il y a huit ans, pour découvrir un territoire dont on ne connait pas encore les limites mais qu'on nous a notamment promis comme bien plus étendu à l'Est. L'autre défi que s'est imposé le studio est de chercher à pousser l'échelle du conflit aux deux extrémités du spectre : Total War : Rome II sera à la fois un jeu plus massif, où l'on sera plus souvent invité à penser en armée(s) qu'en unité(s), mais aussi plus intime et humain. L'Empire Romain était dirigé et tiraillé par des personnages forts aux égos surdimensionnés et le prochain titre de The Creative Assembly compte refléter cette dimension plus proche de l'individu dans Total War : Rome II.
La présentation de gameplay du jeu commençait d'ailleurs par les échos d'une discussion enflammée au coeur même du Sénat romain pour mieux nous transporter à Carthage, afin d'assister à la fameuse bataille qui entraîna la chute de la ville après des années de siège lors de la Troisième Guerre punique. On avouera franchement que l'on se demandait un peu pourquoi The Creative Assembly avait décidé d'adopter un nouveau moteur graphique pour Rome II alors que celui de Total War : Shogun 2 tient encore largement la route mais on a vite compris : Rome II est le plus beau jeu de stratégie qu'on ait pu voir à ce jour. Des animations faciales de Scipion sur son navire, ordonnant l'assaut à ses troupes embarquées, à la modélisation intégrale de la gigantesque cité de Carthage, le rendu est simplement magnifique et particulièrement bluffant. On découvre au passage la combinaison des batailles navales et terrestres pour ce nouvel épisode alors que les navires romains débarquent sur la plage en vomissant un flot infini de soldats. Leur participation au combat ne s'arrête d'ailleurs pas là ; infiltrés dans la ville via le port de Carthage, ils pourront apporter leur soutien aux troupes au sol grâce à des tirs d'artillerie dévastateurs.
Cette pluie de flammes n'est pas de trop pour creuser un chemin vers le coeur de la cité, les murailles étant destructibles pour l'oppresseur suffisamment insistant. Les stratèges plus subtils peuvent aussi utiliser des tours de siège chargées de soldat pour prendre les murs d'assaut et se glisser au milieu de la mêlée grâce à une nouvelle caméra fixable, pour voir les officiers de chaque unité hurler leurs ordres pendant que le rouleau-compresseur romain se met en marche. La réalisation sonore en profite pour assurer le show lorsque les troupes de l'armée romaine frappent leurs homologues carthaginois de plein fouet avec une brutalité raisonnante. Comme d'habitude, The Creative Assembly a fait preuve d'une attention aux détails insolente dans la réalisation. Si les combats de Total War : Shogun 2 étaient autant de duels entre des samouraïs honorables et bien élevés, le rendu des affrontements de Total War : Rome II est forcément différent. On nous assure au passage que chaque faction du jeu aura sa propre philosophie à ce niveau, la rigueur et l'organisation romaine étant remplacée par une sauvagerie un brin débridée chez les Gaulois par exemple.
Pendant que l'on admire les graffitis antiques sur les murs de la ville ou les dégâts causés par trois années successives de siège, les développeurs nous présentent une nouvelle vue tactique aérienne qui permet d'avoir un aperçu intégral et rapide d'un champ de bataille qui n'a jamais été si gigantesque. On nous promet aussi un rendu plus sombre et apocalyptique pour le jeu cette fois-ci, une volonté que l'on peut déjà vérifier lors de cette longue bataille dans une ville ravagée par les incendies. Le spectacle se poursuit encore quelques minutes alors qu'un groupe d'éclaireurs habillés de peaux de bête cause la fuite d'un groupe de soldats carthaginois pris en sandwich entre deux assaillants, qu'un projectile de catapulte s'abat sur une tour adjacente et que Scipion lui-même hurle à ses troupes d'avancer au milieu du chaos alors même qu'un troupeau d'éléphants de guerre pointe le bout de sa trompe. C'était la prise de Carthage et ça nous a réveillé comme un coup de coude dans le jéjunum.
A la bonne lance
Mais ce n'est pas tout malheureux, les développeurs de The Creative Assembly ont également tenu à évoquer leurs projets pour le reste du jeu, histoire de nous révéler quelques détails croustillants au passage. On apprend déjà que le rendu renversant de Carthage n'est pas un simple modèle de cité par défaut qui sera recopié pour toutes les villes du jeu, puisque chaque culture et structure aura sa propre apparence et architecture, voire même une approche particulière pour sa conquête. De quoi nous motiver à chérir et protéger ces berceaux de notre domaine, d'autant plus qu'ils seront maintenant susceptibles à des captures surprises en plein coeur de notre territoire grâce à l'importance renouvelée des unités navales dans Total War : Rome II. Charger un navire de soldat permettra bel et bien d'assaillir et de s'approprier une ville portuaire de notre adversaire du moment, créant accessoirement une tête de pont idéale pour donner naissance à la suite du conflit.
L'importance capitale du commerce au coeur de la Méditerranée devrait également nous convaincre d'investir dans une flotte digne de se nom, pour protéger nos possessions et/ou mettre la main sur celle des autres acteurs des environs. Dominer une cité ennemie ne sera toutefois pas une simple formalité, la capture de points multiples étant maintenant nécessaire avant de repartir avec les clefs de la ville. Défenseurs comme attaquants devront donc se montrer bien plus mobiles qu'autrefois et éviter de s'investir intégralement sur une seule partie du champ de bataille sous peine de se faire dominer ailleurs. On sera aussi invité à profiter des opportunités offertes par l'environnement, en organisant des pièges et autres attaques surprises en fourbe depuis certaines ruelles retorses de nos cités.
Ce genre de méthodes aura une influence majeure sur le devenir de leurs organisateurs puisque les légions de Total War : Rome II seront capables d'obtenir des traits de personnalités et des spécialités indépendantes de celles déjà octroyées par leur général. Des troupes envoyées face à des défis différents hériteront à terme d'aptitudes variées qui pourront bien faire la différence dans certaines situations extrêmes. Faire passer quelques tours en attendant notre armée spécialisée dans l'assaut de ville sera peut-être une bonne idée avant de sonner la charge sur une capitale ennemie, mais pas question de se tourner les pouces pendant ce temps. Les provinces de Total War : Rome II étant divisées en plusieurs régions, il sera tout à fait possible de s'occuper en attendant d'aller frapper à la porte de l'ennemi. Les territoires à capturer seront donc plus nombreux que jamais, sans pour autant multiplier la quantité de villes à gérer manuellement pour le joueur. L'objectif est aussi de varier les types de batailles en offrant des opportunités différentes à l'envahisseur ou au défenseur. Priver une cité de ses ressources en s'emparant de toutes ses sous-régions étant un bon moyen de forcer une armée barricadée depuis des années à mettre le glaive dehors.
De l'argile au marbre
Mais tous les conflits ne seront pas militaires dans Total War : Rome II, notamment grâce au retour du système de dilemme de Total War : Shogun 2. Ces choix cornéliens réguliers pourront même s'enchaîner en fonction de nos décisions passées afin de nous impliquer encore plus dans la décision et leur résolution. C'est aussi ici que Rome II présentera des défis à une échelle plus humaine en nous rappelant que les débats du Sénat romain pouvaient être tout aussi animés que les combats de gladiateurs dans les arènes. Il faut donc s'attendre à l'apparition de conflits internes, à l'éclosion de rivalités malsaines avec certains de nos concitoyens et à de bonnes grosses trahisons bien senties. Des familles puissantes sauront se placer en travers de notre chemin lorsque nos objectifs nuisent à leurs ambitions et il faudra savoir gérer ce genre de crise avec la même maîtrise que sur le champ de bataille. Comme le jeu proposera de suivre la scène européenne depuis la levée de la République jusqu'au zénith de l'Empire, on devrait avoir le temps de se faire quelques ennemis jurés. Bien sûr, il sera toujours possible de récrire l'Histoire au passage en essayant de maintenir la République coûte que coûte ou en fondant le premier Empire de Gaule si on le désire.
Se creuser une place en Europe à la force du glaive ne sera évidemment pas toujours la seule solution puisque le nouveau système diplomatique de Total War : Rome II permettra aussi de progresser grâce à la surpuissante langue de bois. Si les détails restent assez flous pour l'instant (notamment à cause de l'implication des Agents, sur lesquels on ne sait quasiment rien à l'heure actuelle), The Creative Assembly nous promet une comportement plus logique et organique de l'I.A., avec des raisons beaucoup plus claires lorsqu'une alliance implose au bout de quelques années. Chaque faction héritera aussi de différents traits de caractère qui auront leur influence dans les négociations ; certains seront crédules et aisément amadoués, d'autres résisteront à toute tentative de séduction quoiqu'il arrive. Savoir reconnaître les bonnes poires et les paranoïaques endurcis permettra de séparer les novices des rois de la tchatche. Maintenir une alliance forte sera tout de même possible, mais on nous assure que cela demandera du travail et un investissement consistant.
Au chapitre des choses dont on ne sait quasiment rien pour le moment, The Creative Assembly parle de gros projets bien mystérieux sur le multijoueur et nous assure au passage que les modes de jeu classiques des derniers épisodes seront toujours présents. Les développeurs nous assurent également qu'ils souhaitent assurer une configuration minimale à peu près équivalente à celle demandée par Total War : Shogun 2, la personnalisation avancée des options graphiques permettant évidemment d'exploiter toutes les options technologiques à la mode pour accoucher du rendu visuel proprement hallucinant que l'on a pu voir de nos yeux lors de la bataille de Carthage. On nous a notamment parlé d'un nouveau système d'éclairage des particules, histoire de teinter d'orange la fumée qui s'élève des incendies au combat, mais aussi de l'ouverture d'un gigantesque studio de motion capture pour permettre à nos soldats de réagir à ce qui les entoure en ramassant par exemple un collègue renversé au sol par un adversaire. C'est infernalement beau, extrêmement ambitieux et prévu pour la seconde moitié de l'année prochaine sur nos PC. Vivement.