Extrait du chapitre : C. Des chiffres partisans : enjeux historiques du nombre de pertes a écrit:En ce qui concerne les pertes cumulées des deux camps, c’est-à-dire le bilan des pertes humaines, les estimations, après ce que nous venons de montrer, se situent évidemment entre 60 000 (estimation la plus basse) et 110 000 (estimation la plus élevée) victimes. Mais la plupart des historiens aujourd’hui s’accordent sur une fourchette de 75-80 000 pertes, si, et seulement si, on prend les 5 et 7 septembre cumulés. Si on retire donc les 10 000 pertes du 5 septembre à Chévardino, on peut situer les pertes des dix heures de combat du 7 septembre autour de 65 000 hommes. Ce qui donne une moyenne de 6500 pertes par heure – ou 108 hommes par minute – tout à fait effarante. Très peu de batailles d’une seule journée n’ont, à l’époque, atteint un tel degré de violence, ni un tel nombre de pertes. La Moskova ne souffre pas de la comparaison avec Rivoli (1797), Austerlitz (1805), Iéna (1806), Eylau (1807), Friedland (1807), Salamanque (1812) ou Bautzen (1813). Même les batailles en deux jours n’ont qu’une fourchette moyenne de 22 000 à 40 000 victimes par jour : Aspern-Essling (1809), Wagram (1809) et Dresde (1813). Bataille gigantesque et de trois jours, la « Bataille des Nations » à Leipzig en octobre 1813 fut la plus grande des Guerres Napoléoniennes, mais son taux de perte journalier moyen n’atteint « que » les 42 000 – 45 000 hommes, toujours 20 000 de moins qu’à la Moskova. Waterloo (1815), avec plus de 55 000 victimes est certainement la seconde bataille (d’une seule journée) la plus violente de l’époque. Pour atteindre un tel degré de violence dans un combat, il a fallu attendre la Première Guerre mondiale. Et encore, ce jugement ne vaut-il que pour le chiffre total des pertes, et non leur taux horaire, et encore moins leur taux horaire par rapport à une surface donnée (l’espace de la bataille de la Moskova est un réduit de 60 km carré maximum). Pour exemple, les batailles de Stalingrad (165 jours en 1942-1943) et de Verdun (297 jours en 1916), incontestablement les « batailles1» ayant fait le plus de victimes de l’histoire de l’humanité, avec respectivement jusqu’à 1 000 000 et 720 000 victimes, se caractérisent cependant par un taux de pertes quotidien au moins dix fois inférieur à celui de la bataille de Borodino ! Évidemment, ce taux est avant tout un indicateur de violence et d’intensité de combat, et Borodino, en ce sens, détient depuis deux siècles un triste et terrible record.